Résume de thèse sur la pharmacovigilance par M. Demba BA

Une fois mis sur le marché, un médicament quitte l’environnement scientifique sûr et protégé par des essais cliniques et est légalement « offert » à la consommation du grand public. A ce stade, toutefois, la plupart des médicaments n’ont été testés, du point de vue de leur sécurité à court terme et de leur efficacité, que sur un nombre limité de sujets soigneusement sélectionnés. Dans certains cas, à peine 500 sujets et rarement plus de 5000 auraient reçu le produit avant sa diffusion.

Cependant, en dépit de tous leurs bienfaits, force est de constater que les réactions indésirables que les médicaments  entraînent continuent à être une cause courante de maladies bien que souvent évitable, d’incapacités ou même de décès. A titre d’exemple on peut rappeler certains désastres de santé public causés par les médicaments qui ont fait l’objet de notre travail: le scandale du Thalidomide des années 1960 avec des dizaines de milliers de femmes qui ont pris ce médicament sédatif pendant leur grossesse et qui ont mis au monde des enfants lourdement handicapés (phocomélie, amélie, dysmélie etc.); le cas récent du Médiator® qui après 33 ans de carrière a été finalement retiré du marché en 2009 suite à des cas graves de valvulopathie et d’ Hypertension Artérielle Pulmonaire (HPAP) qui ont entrainé entre 500 et 900 cas de décès; l’association Dextropropoxyphène/Paracétamol retiré du marché en 2010 à la suite de la prise en compte de 65 effets indésirables graves (dont mort par surdose) détectés aux USA et dans plusieurs pays européens depuis 2006. Nous avons aussi; le Diéthylstilbestrol retiré à cause de risque tératogène en 1970; celui du Vioxx en 2004 suite à la prise en compte de risques d’infarctus du myocarde apparus dans les essais cliniques précédents la commercialisation et confirmés chez les patients ayant utilisé cette molécule. Nous avons enfin le cas de la cérivastatine retiré en 2001 pour des problèmes de rhabdomyolyse et du Méthaqualone.

En outre, dans certains pays, les réactions indésirables aux médicaments comptent parmi les dix principales causes de mortalité. En dehors des dangers intrinsèques présentés par les produits eux-mêmes, les patients peuvent avoir une sensibilité particulière et imprévisible à certains médicaments. En effet, si plusieurs médicaments sont prescrits simultanément, il existe toujours un risque d’interactions indésirables. Le choix et l’utilisation du (des) médicament(s) meilleur(s) et plus sûr(s) pour une personne donnée parmi les multiples thérapies existantes nécessitent par conséquent beaucoup de discernement de la part du praticien prescripteur. Pour éviter le plus possible de causer un préjudice aux patients et améliorer ainsi la santé publique, il est capital de disposer de mécanismes d’évaluation et de surveillance de la sécurité des médicaments utilisés en pratique clinique. Concrètement, cela suppose de mettre en place un système bien organisé de pharmacovigilance. La pharmacovigilance, un terme générique utilisé pour décrire les processus de surveillance et d’évaluation des réactions indésirables des médicaments, est une composante essentielle des systèmes de réglementation pharmaceutique, de la pratique clinique et des programmes de santé publique.

Il est essentiel de disposer d’un système de pharmacovigilance qui fonctionne correctement pour que les médicaments soient utilisés efficacement, à moindre risque et dans un climat de confiance. Un système de ce type est profitable à toutes les parties concernées, c’est-à-dire non seulement à chacun des patients et à l’ensemble de la population, mais aussi aux  professionnels de santé, aux organismes d’assurance maladie et les mutuelles, aux autorités sanitaires et aux agences de médicament. En outre, un tel système aide l’industrie à éviter des procès couteux en termes d’argent et d’image. Jusqu’à présent, les firmes ont cependant montré peu d’enthousiasme pour ce type de dispositif car elles sont convaincues que les effets secondaires  peuvent gêner la promotion des médicaments et diminuer leur chiffre d’affaire, et par conséquent les dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires

Compte tenu de l’importance de la pharmacovigilance, il est devenu une urgence pour tout professionnel de santé de réfléchir sur des voies et moyens pour aider ce système de surveillance qui malgré ses 50 ans d’existence reste une discipline clinique et scientifique dynamique qui rencontre néanmoins d’énormes difficultés pour accomplir sa mission dans le monde, particulièrement en Afrique et spécialement au Sénégal.

L’analyse et l’exploitation de notre travail nous a permis de comprendre l’importance croissante de la pharmacovigilance qui doit amener les professionnelles de santé de nos pays à s’intéresser davantage à cette discipline. Ainsi, nous formulons les recommandations suivantes :

  • La redynamisation du système national de pharmacovigilance: En effet, les organismes nationaux doivent davantage coopérer et harmoniser leurs travaux en créant un réseau de pharmacovigilance. Il convient également de définir des méthodes d’enquête normalisées sur les effets indésirables provoqués par les médicaments qui déboucheront sur des stratégies de prévention.
  • L’instauration de lois qui imposent la pharmacovigilance à être un système étatique pour son   indépendance  afin d’éviter tout conflit d’intérêt.
  • Revoir le système d’octroi des AMM, mettre en place des méthodes  d’évaluation beaucoup plus spécifiques et approfondies des effets indésirables des nouveaux médicaments.
  • Il faut vivement encourager la notification des effets indésirables graves des médicaments après leur mise sur le marché en associant toutes les parties prenantes (médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, praticiens de médecine traditionnelle, patients, etc.). Il faut distribuer largement des fiches de notification des effets indésirables (dans les revues, les guides thérapeutiques, les dictionnaires de spécialité et dans les pharmacies, sur l’internet etc.), fiches qui doivent être facile à remplir ; renforcer le système de déclaration des effets indésirables par téléphone, notamment grâce à des numéros d’appels gratuits créés à cet effet, et d’évaluer cette procédure.
  • Sensibiliser les populations à rapporter les effets indésirables.
  • Faire régulièrement des enquêtes sur les effets indésirables des médicaments.

Demba BA

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