Interview du Docteur Mama Moussa DIAW

Docteur Mama Moussa DIAW est un jeune médecin qui a choisit la santé publique et écrivain aussi auteur des romans « LES OTAGES » et « CHATIMENTS » publié chez les Editions Phoenix. Il nous livre des informations sur la santé publique au Sénégal et surtout dans la zone du pays, le Sénégal oriental où il sert.

1-      Bonjour, qui est le Docteur Mama Moussa DIAW

Difficile de se présenter mais je vais essayer. Mama Moussa Diaw est un jeune médecin de santé publique qui a cependant traversé la moitié du pays, voire les ¾ pour se mettre au service de l’Etat. Je suis né à Podor, j’ai grandi en Mauritanie entre Rosso et Akjoujt où j’ai commencé mes études primaires et secondaires jusqu’en classe de 5ème  avant de me retrouver dans le camp de réfugiés mauritaniens de Dagana après les évènements interraciaux entre le Sénégal et la Mauritanie. J’ai ensuite pu poursuivre mes études au collège El Hadji Baba Ndiongue puis au Lycée El Hadji Omar Al Foutiyou Tall où j’ai obtenu mon Bac série scientifique en 1995 grâce au Caritas, au HCR (Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés) et à l’aide d’humanitaires français basés à Rouen.

J’ai pu m’inscrire à la Faculté de Médecine de Dakar et obtenir une bourse de l’Etat du Sénégal. En 2003, j’ai terminé mes études avec le diplôme de Docteur d’Etat en Médecine avec la mention très honorable avec félicitations du jury. J’ai servi dans une grande clinique de Dakar avant d’être recruté par le Centre Hospitalier Régional de Saint-Louis en 2004 où j’ai participé à la première expérimentation du service des urgences centralisées. Après cela, j’ai poursuivi mon chemin à la fin de l’année dans la fonction publique avec une affectation à Tivaouane comme Adjoint au Médecin-chef de District.

En Avril 2008, j’ai demandé une mutation à Kolda pour des raisons familiales et je me suis retrouvé au poste de Médecin BRISE ou Adjoint au Médecin chef de Région jusqu’en Septembre 2009 où je fus affecté au District Sanitaire de Goudomp, dans la région de Sédhiou. Après deux années de service dans cette ville que je considère désormais comme ma seconde ma troisième ville, je fus à nouveau affecté à Koumpentoum dans la région de Tambacounda où je sers pour le moment.

 

2-      Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la zone où vous exercez ? Pouvez-vous nous faire une étude détaillée de l’état des lieux sur la santé dans votre zone ?

Les difficultés dans cette zone sont nombreuses et variées. Le district est nouveau et vaste avec plus de 7000 km² de superficie, carrefour entre le nord et la Gambie, sur le corridor Dakar-Bamako de nombreux défis sanitaires sur lesquels je ne peux revenir dans les détails mais il faut savoir qu’ils sont à tous les niveaux depuis les problèmes de type nutritionnel jusqu’aux maladies infectieuses le tout dans un environnement de rareté des ressources humaines, de non ouverture de nombreuses formations sanitaires et d’absence d’allocation de ressources adaptées à la mission de ce genre de district.

 

3-      Quels sont les moyens que vous avez pour faire face ?

J’ai cité précédemment les difficultés que nous rencontrons pour mener à bien notre mission. Aujourd’hui je reconnais que le climat est devenu plus favorable avec une écoute attentive des préoccupations des médecins dans le cadre défini de la politique de santé de l’Etat. Il y a une tendance à une adaptation des moyens logistiques, humains et financiers aux spécificités de chaque district et ceci est une nouvelle approche qu’il faut saluer. Les carences du système étaient telles que non seulement les médecins des zones difficiles ne parvenaient pas à faire leur travail mais en plus ils se décourageaient tellement ils ne sentaient pas une écoute de leurs préoccupations, de la priorisation des problèmes de santé. Aujourd’hui, avec le retour en force de certains partenaires comme UNFPA, l’UNICEF, l’USAID, le FONDS MONDIAL, la JICA, etc pour ne citer que ceux-là,  un effort de renforcement des capacités du personnel et de réhabilitation et d’équipement des structures sanitaires ainsi qu’un appui au suivi évaluation est effectué pour accompagner les efforts de l’Etat du Sénégal dans cette zone si difficile.

4-      L’hivernage approche quels sont les problèmes les plus récurrents que vous rencontrez lors de cette période ?

L’approche de l’hivernage, l’hivernage  carrément constitue un vrai casse tête pour le district en raison de la prévalence de certaines maladies mais surtout en raison des difficultés que nous rencontrons pour toucher les populations cibles. Les efforts que nous déroulons pour rapprocher les services de santé des bénéficiaires se heurtent à l’indisponibilité d’une logistique roulante fiable mais aussi à l’insuffisance des ressources allouées pour couvrir de telles interventions. Aujourd’hui grâce à l’UNICEF et à UNFPA, nous bénéficions d’un appui pour mener des stratégies mobiles et toucher par exemple des enfants qui étaient restés parfois quatre à cinq mois sans être vacciné.

D’autres partenaires comme l’ASBEF sont en train de nous aider à atteindre ces populations particulières qui ont, comme nous tous des Sénégalais, le droit de bénéficier des mêmes possibilités de soins.

Au Sénégal, quand les gens parlent de l’hivernage, ils font aussitôt allusion au paludisme et je sais que vous serez surpris de ne pas m’entendre en parler. En fait nous déroulons un programme spécial du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale avec l’appui de l’USAID dénommé Aspersion Intra Domiciliaire (AID) qui permet de lutter contre le vecteur du paludisme, l’anophèle femelle. Depuis trois ans les résultats sont là, marqués par une très forte baisse de la morbidité palustre. Cette année, avec l’intégration du District voisin de Koungheul, nos résultats ne vont que mieux se porter d’autant plus que la couverture universelle en moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (CU-MILDA) est reprise en routine grâce à Networks. Ce maillage vient se greffer au dispositif communautaire de lutte contre le paludisme au niveau des cases de santé avec les Agents de Santé Communautaires (ASC) et matrone, les relais et les Dispensateurs de soins à domicile (DESDOM). Si en plus de cela vous savez que le traitement du paludisme simple est gratuit depuis 2010, vous comprendrez parfaitement que le paludisme n’est plus le ravageur d’autre fois dans le District Sanitaire de Koumpentoum et bien d’autres districts du pays.

5-      Au niveau de votre hôpital quels sont les genres de soins qui sont disponibles pour vos malades ? Coté équipements médicaux vous en êtes a quels niveaux ?

Le Centre de référence de Koumpentoum qui est en fait un poste de santé amélioré n’offre pas encore tous les services que nous trouvons chez ses semblables même si un grand nombre d’actes y sont régulièrement effectués. En plus des activités curatives quotidiennes, nous disposons d’un laboratoire tout neuf qui peut fournir un nombre assez complet d’analyses biologiques. Du côté de l’imagerie nous disposons d’une échographie obstétricale en plus de tout ce qui est hospitalisation, Consultation générale, CPN, CPON, PF, SAA, etc.

Le nouveau centre de santé est pratiquement fini même si l’électricité et l’adduction au réseau hydraulique restent encore à être résolues, les choses avancent à grands pas.

6-      La prévalence du VIH/Sida est dit très élevée dans votre zone qu’en est il vraiment et quelles sont les causes ?

La prévalence du VIH est très élevée dans la région de Tambacounda, supérieure à la moyenne nationale, mais il n’y a pas d’éclatement de ce taux pour le département de Koumpentoum dans l’EDS V. Cependant, les facteurs de vulnérabilité, hormis les sites d’orpaillage tant incriminés, sont là notamment le plus important à savoir le secteur du transport international à travers cette route et tout ce qui tourne autour  (prostitution, marchés hebdomadaires).

7-      Quels sont les moyens mis en place pour freiner cette avancé et la prise en charge des malades déjà infectés ?

Les mesures prises se retrouvent à tous les niveaux depuis l’engagement des autorités locales et administratives avec l’implication de tous les secteurs qui s’activent dans la sensibilisation, la mobilisation et le dépistage pour la promotion des comportements à moindre risque. A côté de cela, le district sanitaire de Koumpentoum dont le centre de référence est site d’alerte précoce dans la lutte contre le VIH/Sida, déploie des activités de prise en charge complète des personnes vivant avec le vih avec une prise en charge rapprochée pour certains patients dans les postes de santé. Par ailleurs, avec l’appui de l’ASBEF, la sensibilisation et la promotion des comportements à moindre risque va être renforcée au niveau communautaire avec l’implication des relais, des bajenu gox, des ASBC et des pairs éducateurs.

8-      Les conseils que vous donneriez à la population pour réduire la prévalence des maladies ?

Les conseils sont toujours les mêmes. Les populations prises de façon individuelle ou collective sont les premiers médecins. Elles doivent apprendre à éviter toutes les choses qui les rendraient malades et elles le savent. La vraie médecine, c’est la médecine préventive, « fagaru mo gën faju ». Les formations sanitaires ne sont pas là pour faire des bénéfices autour de la maladie mais surtout pour éviter que les gens ne tombent malade, que l’activité économique ne soit pas ralentie. Imaginez un paysan qui ne dort pas sous moustiquaire imprégnée et qui tombe malade ainsi que sa famille pendant l’hivernage ? Qui va cultiver son champ, comment fera-t-il pour payer ses médicaments et comment et quoi récoltera-t-il ? Si nous ne parvenons pas à régler ce cercle vicieux, nous ne pourrons pas transformer le capital santé en richesse et ainsi nous développer.

9-      Les projets futurs ?

Dans l’immédiat, c’est l’ouverture prochain du Centre de Santé de Référence de Koumpentoum, ensuite, grâce à l’engament du nouveau Préfet, nous espérons que le plaidoyer pour la correction des omissions dont le district était victime, surtout le Centre de Santé dans l’allocation des FDD ainsi que l’équipement en véhicule de supervision et de stratégies mobiles portera ses fruits. Le district de Koumpentoum, nœud géographique d’avenir n’a pas le choix pour faire face aux défis qui l’attendent et qui ne seront que plus grands.

Je vous remercie.

Fatou

1 commentaire

Classé dans Sciences et Technologies

Une réponse à “Interview du Docteur Mama Moussa DIAW

  1. Bonjour ce post est vraiment interressant, j’ai hate de vous relire

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